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Peu avant Noël, l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (EPA) a autorisé le Calantha - et donc, pour la première fois au monde, un pesticide dont la substance active est constituée d'ARN double brin (db). Le produit développé par la société GreenLight Biosciences sert à lutter contre le doryphore et repose, avec l'ARNdb, non seulement sur une nouvelle substance active, mais aussi sur un mécanisme inédit pour les pesticides nommé interférence ARN (ARNi).

Avec l'autorisation du Calantha - limitée pour l'instant à trois ans - les agriculteurs américains peuvent désormais pulvériser pour la première fois de l'ARNdb dans les champs. Pour GreenLight Bioscience, ce lancement de la technique ARNi pour les pesticides marque un "saut quantique pour les agriculteurs, notre système alimentaire, la sécurité alimentaire et les gens". L'évaluation est différente dans la majorité des 31'267 commentaires soumis à l'EPA pendant la consultation publique. Seuls 17 de ces commentaires sont favorables à l'autorisation. Les 31’250 commentaires restants, recueillis en grande partie grâce à des campagnes menées par des associations de consommateurs et de protection de l'environnement, demandaient à l'EPA de ne pas autoriser le Calantha ou au moins de reporter l'autorisation jusqu'à ce que davantage d'informations soient disponibles sur sa substance active.

L'une des quelque deux douzaines d'associations qui se sont prononcées contre l'autorisation du Calantha lors de l'audition publique est le Centre for Food Safety (CFS). De son point de vue, les données présentées par Greenlight Biosciences ne permettent pas d'exclure que le Calantha tue involontairement d'autres coléoptères que le doryphore, y compris des espèces protégées. Des effets secondaires sur les insectes utiles comme l'acarien prédateur Typhlodromus pyri ou la guêpe parasite Aphidius rhopalosiphi seraient également à craindre. En outre, le CFS critique le fait que GreenLight Biosciences n'ait étudié les effets possibles sur les abeilles mellifères qu'avec la substance active seule et n'ait pas utilisé pour cela le Calantha, dont l'action est peut-être plus puissante et dans lequel la substance active est présente dans une formulation.

Friends of the Earth (FOE) s'est également prononcé contre l'autorisation. Dans son commentaire sur la décision de l'EPA, l'organisation de protection de l'environnement, qui avait déjà attiré l'attention sur les risques des pesticides à base d'ARN dans un rapport publié en 2020, remet notamment en question l'utilité à long terme du Calantha. La raison en est le patrimoine génétique du doryphore, qui pourrait le rendre rapidement résistant au Calantha. FOE renvoie à ce sujet à une étude publiée en 2021 avec une substance active d'ARNdb similaire, dans laquelle les doryphores sont devenus onze mille (!) fois plus résistants à l'ARNdb après neuf cycles de sélection. En outre, FOE critique la rapidité de l'EPA. L'agence de protection de l'environnement avait autorisé en avril 2023 des essais en plein champ avec le Calantha, dans le cadre desquels GreenLight Biosciences recueillerait davantage de données environnementales jusqu'en 2025, mais ne voulait maintenant pas attendre que ces données soient disponibles avant d'autoriser l'utilisation commerciale. FOE craint que l'EPA ne crée un précédent pour l'autorisation d'autres pesticides contenant de l'ARNdb en agissant ainsi de manière précipitée.

Il est évident que d'autres produits de ce type verront le jour. En effet, outre GreenLight Biosciences, de nombreuses autres start-up travaillent sur des pesticides à ARNdb, et les grands groupes agricoles s'en mêlent également. Le géant bâlois Syngenta a ainsi également dans son pipeline un produit à base d'ARNdb contre le doryphore. Ce qui rend l'ARNdb si intéressant pour les entreprises, c'est sa duplicité - d'un côté, la molécule est d'origine naturelle et en fait non toxique, de l'autre, elle peut être transformée en une substance mortelle. Avec le Calantha, GreenLight Biosciences montre pour la première fois sur un produit commercialisé comment cette transformation est possible : l'entreprise a créé un ARNdb dont la séquence est identique à des parties du gène PSMB5 du doryphore. Lorsque le doryphore absorbe l'ARNdb, la molécule déclenche l'ARNi dans ses cellules, ce qui entraîne l'inactivation du gène PSMB5. Comme les doryphores ont besoin d'un gène PSMB5 actif pour vivre, ils meurent suite à la mise en sommeil de ce gène.

GreenLight Biosciences cherche également à obtenir une autorisation pour le Calantha dans l'UE. Des associations professionnelles telles que CropLife y font déjà du lobbying pour que la procédure d'autorisation soit assouplie pour les nouveaux produits. Actuellement, les substances actives ARNdb sont encore soumises dans l'UE aux mêmes règles strictes que les substances chimiques de synthèse. CropLife souhaite que la Commission européenne adopte un nouveau guide pour les pesticides ARNdb. Les États-Unis doivent servir de modèle. Dans ce pays, les pesticides contenant de l'ARNdb, comme le Calantha, sont considérés comme des biopesticides qui doivent satisfaire à des exigences moins strictes que les produits chimiques de synthèse.

L'ARNdb peut-il être légalement un OGM en Suisse ?

En Suisse, la réglementation des nouveaux pesticides nécessite de clarifier si l'ARNdb est légalement une substance ou un micro-organisme. La raison de cette ambiguïté est une particularité du droit suisse : il assimile le matériel génétique biologiquement actif à un micro-organisme. Selon la Confédération, outre l'ADN, l'ARN messager (ARNm) peut également être du matériel génétique biologiquement actif. La question de savoir si cela s'applique également aux ARN non codants, comme l'ARNdb dans les pesticides, reste ouverte. Si l'ARNdb peut légalement être un micro-organisme, il faut en outre déterminer s'il peut être un OGM et si oui, dans quels cas. Calantha, par exemple, contient une molécule d'ARNdb qui contient des séquences provenant de deux sources différentes et qui est donc recombinante - une propriété qui caractérise les OGM.

Liens pour aller plus en profondeur

DOCUMENTS STOPOGM

  • StopOGM Infos 66
    Nouvelles techniques de modification génétique. Les mêmes promesses qu'il y a 20 ans
    Protéger les espèces à l'aide de manipulation génétiques ?

 

RAPPORT

Dialogue transatlantique des consommateurs, 2017

Commission d'éthique dans le domaine non humain :

Descriptions des techniques et risques

Prise de position de scientifiques

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